mercredi 31 décembre 2014

L'Homme contre la Nature

Alors, c'est parti pour l'aventure. Nous sommes remontés à bloc, on va affronter la jungle. Tout d'abord, 1 heure de moto, chacun notre sac sur le dos, avec au guidon un pilote de rallye ou un guide de trek, moins rapide, selon le tirage au sort au départ. Enfin, un peu plus d'une heure si on tient compte de la "crevaison fil rouge" de la moto de Fanny après 5 kilomètres.

Une traversée de rivière en bac suivie d'une heure supplémentaire de moto sur un sentier de forêt détrempé par la pluie de la veille. Couverts de poussière, nous serons déposés au bord d'une seconde rivière. Après avoir traversé à pied, compter 1h30 de marche dans une jungle de plus en plus dense pour arriver au village de départ. Nous sommes accueillis dans une famille de 7 personnes (les trois enfants les plus agés sont partis vivre ailleurs après s'être mariés) appartenant à l'ethnie des Kaouets. Ils sont tous magnifiques, des sourires rayonnants et nous invitent à poser nos affaires dans la cabane de 15 m² qui leur sert de maison et abrite une poule et trois chiens en plus de la famille. Le village compte cinq familles pour un trentaine de personnes. Tous parlent le dialecte propre à l'ethnie mais pas le khmer. Notre guide sera interprète pour les trois prochains jours.

Un tour dans la jungle environnante sera l'occasion d'apercevoir des singes à queue blanche bondir de façon vertigineuse d'un arbre à l'autre. Un peu plus loin, deux nids d'ibis géant contenant chacun un "oisillon" de bien 80 cm de haut. Au retour, une jarre nous attend devant la maison et on partage le "vin de jarre" (à base de riz fermenté, de pomme de terre et d'autres ingrédients indéterminés) avec la famille. Deux pailles en bambou sont plantées dans le fond de la jarre et on boit à tour de rôle. C'est loin d'être mauvais. Tout cela est de bonne augure pour la suite. A moins que la douche dans une marre d'eau stagnante et la pluie torrentielle qui suivra n'altèrent un peu la motivation de Fanny. Mais cela ne sera que de courte durée et un bon repas de riz accompagnés de légumes de la forêt amélioreront rapidement la situation. Encore quelques litres de vin, ajoutez à cela un jeu de hasard à base de dés, de représentations d'animaux et de mises sous forme de cigarette (marque "Lapin" en français dans le texte) et nous passerons une super soirée bien locale.

A noter que dans cette communauté on fume et on boit à partir de l'âge de sept ans. Enfin, c'est valable pour l'alcool de riz puisqu'on se rendra compte le lendemain matin que "le vin de jarre ça ne compte pas comme de l'alcool" puisque la petite de trois ans empoigne la paille et tète de bon cœur dès le petit déjeuner.

Nous dormons dans des hamacs, à l'intérieur de la maison pour Fanny et moi, à la belle étoile pour Clem et Steph. Pas vraiment le choix et pas envie de froisser la famille en installant nos hamacs dehors pour profiter de la nuit étoilée. Réveillés vers 6h30 par le coq, nous ne décollerons que vers 9h, le temps d'allumer le feu, de faire cuire le riz et réchauffer les baguettes pour le petit déjeuner.

Et nous voilà partis à travers la jungle accompagné de Rithy, notre guide, du père de la famille et de Mâ, son fils de quatorze ans. Nous verrons relativement peu d'animaux cette deuxième journée de marche. La pause déjeuner sera des plus agréables au bord d'un cours d'eau suffisamment profond pour se baigner voire même pour permettre à Mâ de grimper dans un arbre à plusieurs mètres de haut pour sauter ou nous installer une liane pour nous balancer dans l'eau. Nous comprendrons rapidement que c'est lui le plus à même de guider dans la jungle et de nous la faire découvrir . Nous reprenons la route après une délicieuse "jungle soup" préparée au feu de bois. Un gecko de bonne taille et quelques arbres millénaires démesurés plus loin, nous voici au pied du plus gros arbre du coin, au bord d'une rivière, pour le bivouac du soir.

L'étape suivante consiste à aller tailler un chemin à travers la forêt pour pouvoir tenter d'aller observer les gibbons au lever du jour de l'autre côté de la rivière pour les uns. Mâ nous trouvera rapidement un sentier de biche pour faciliter le travail. Pendant ce temps, les autres iront poser un filet qui nous procurera de la friture pour l'apéro en accompagnement de l’alcool de riz qui doit bien faire dans les 45°. Ils boivent l'alcool pur, cul sec, par petites doses. C'est l'occasion d'inverser les rôles et de leur apprendre comment mieux vivre dans la jungle hostile. "Pardon. Il nous reste des citrons vert de ce midi? On a du sucre aussi pour la cuisine? On va vous montrer un truc." Et c'est comme ça que nous leur avons transmis la recette du ti-punch. Ils ont A-DO-RÉ. Le père a tout de suite compris la recette et fait un mélange directement dans la bouteille. Le guide, lui, s'est contenté de boire jusqu'à vomir dans l'heure qui suit.

Un peu de riz et de légumes avec le poisson et nous voilà fin prêts pour une excursion nocturne à la recherche de bestioles en tout genre avec Mâ. "Je ne suis pas certaine de vouloir savoir ce qu'il y autour". Les filles resterons au campement. Au palmarès, quelques araignées, des papillons, une grenouille (qu'on avait pas vu et que Mâ nous a rattrapée en un clin d’œil pour nous la montrer) et un raton laveur. Trop cool et rien de méchant. On va pouvoir dormir tranquille.

4h du matin, le réveil sonne. Fanny commence par vouloir aller aux toilettes et tombe immédiatement nez à nez avec une "tarentule" de 10 cm qui prend peur et rentre dans son terrier (la tarentule, pas Fanny). Comme on ne l'a pas vue, on en touche deux mots au guide qui défonce le terrier à coup de machette. Un peu violent comme méthode juste pour voir une bestiole. Un bon en arrière, l'araignée sort de son trou et monte dans l'arbre. Un coup de machette, la voilà par terre et Mâ, jamais très loin, pose un pied sûr sur la bête et l'attrape avec les doigts (faut dire qu'en short et claquettes il est bien équipé). Un instant plus tard, voilà la bête dans le feu. On comprend mieux la motivation à la faire sortir. Il paraît que c'est bon pour l'asthme. Autant les pattes ne présentent que peu d'intérêt, l'abdomen à une texture châtaigne et un léger goût de noix. Nous n'apprendrons qu'après que c'est une espèce "very very poisonous".

S'en suivent une crapahute à travers jungle et rivière, une heure d'attente tapis dans le noir (Mâ en profite finir sa nuit à même le sol) et enfin, au lever du jour, le cri des gibbons. Là, ça devient stratégique. Le gibbon cri par intermittence. Lorsqu'il cri, il n'est pas attentif aux bruits alentours, c'est le moment de progresser aussi rapidement et discrètement que possible, dans la bonne direction de préférence. Lorsque le cri cesse, pas un bruit et plus un geste. Après une demi heure de ce un-deux-trois-soleil, nous les voyons. Majestueux balancier au bout de leur longs bras, ils passent de branche en branche et d'arbre en arbre. Rithy mime leur cri en sifflant entre deux feuilles de plante. Ils se rapprochent puis disparaissent. Cela aura été trop rapide pour capturer des images mais vraiment grandiose.

De retour au campement, un serpent cuit le feu. Il était en train de manger les poissons pris dans le filet. La loi de la jungle veut que "si tu manges ce que j'attrape, c'est moi qui te mange". Soupe de nouilles au serpent pour le petit déjeuner. Décidément, mon régime alimentaire se diversifie ces derniers temps.

Il est temps de retourner au village et de dire au revoir à la petite famille. C'était trop court, on voudrait rester un peu. Encore quelques grenouilles, phasmes, papillons, araignées, un singe et un serpent et nous voilà revenus au point de rendez-vous avec les moto-taxis.

La route du retour sera au moins aussi poussiéreuse que l'aller. Pour ma part, comme il fallait œuvrer pour le fil rouge, j'ai pioché la moto avec l'activité "panne d'essence et pousse la moto". Fallait bien qu'il se passe quelque chose.






 Baston de regard!

 Chez la famille voisine, la dépouille de l'ours qui traînait dans les parages.



 La pluie arrive...

 Apéro!

 Clem et Steph



 Mâ dans ses œuvres.













 Oh! L'abeille bleue!

 Ti-punch!





 Fallait pas manger les poissons.








Banlung, province du Ratanakiri

Comme nous vous l'avons expliqué dans l'épisode précédent, nous devons quitter Kratie à 13h, après une dernière matinée à flaner sur les bords du Mékong. On va vous épargner les détails sur notre bus "cassé". Toujours est-il qu'il n'est jamais arrivé et que le bus de remplacement était un peu à la bourre. Départ à 17h, comme pas prévu au départ, mais on s'y attendait un peu quand même. Nous avons un bus complet pour 6 touristes, c'est toujours mieux qu'une allée centrale sur son sac.

 L'attente sera l'occasion de faire la rencontre de Stéphane AKA "Steph" et de Clémence AKA "Clem" avec qui l'on fera un bout de chemin. Mais ceci est une autre histoire.

Nous voilà donc en route pour Banlung, ville capitale de la province du Ratanakiri, au Nord du pays. Petite pause repas après trente minutes de trajets. Tout est normal, à part un détail qui nous surprend: les chauffeurs en profite pour ouvrir les fenêtres et le lanterneau situés à l'arrière du bus. Une fois repartis, à fond sur une piste bien poussiéreuse, le bus s'est peu à peu empli de poussière. Lorsqu'on a fermé la trappe, l'un des chauffeurs est venu la rouvrir nous faisant comprendre qu'il ventilait pour évacuer la poussière! Nous pas comprendre toi.

Une nuit à Banlung près de l'artère principale nous fera nous lever tôt le matin (le bruit, autre fil rouge du Cambodge avec les pannes). L'occasion de découvrir l'effervescence du marché couvert de de prospecter autour du lac pour trouver une guesthouse au calme avec jolie vue et au même prix que l'autre.

Une fois la moto louée et les sacs transférés, on se lance à la découverte des environs. Lac volcanique, pistes en terre rouge et chutes d'eau à la pelle.

Le réveillon de Noël sera marqué par un restaurant un poil au dessus de nos standards habituels et une fin de soirée arrosée autour du billard de la guesthouse en compagnie de Steph et Clem.

Après un réveil un peu difficile, nous passerons la journée du 25 sur la route pour un aller-retour au village de Ta Veng, porte d'entrée du parc national du Verachey situé à 55km de piste au nord de Banlung. La route sera moins panoramique que ce à quoi on s'attendait mais la traversée des villages de minorités ethniques et l'immersion plus profonde dans la campagne valaient l'excursion.

La soirée sera consacrée à la rencontre et la négociation avec une agence de trek. On part pour trois jours dans la "deep jungle" avec Clem et Steph. Les larves d'abeille cuites au piment, au sel et au sucre dans une feuille de bananier ramenées du marché par Stéphane ne seront pas le meilleur mets qu'on ait trouvé pour accompagner une bière.




















Station essence.


Dans le restaurant familial, le père haut gradé de la police astique ses diplômes de l'école de police.



Larves d'abeille.